Maison Merveille

En 1964, le peintre Louis Merveille et son épouse l’écrivaine et poétesse Karin Lessing s’adressent à Charles Vandenhove afin qu’il conçoive les plans de leur maison de vacances dans le sud de la France. Les maître d’ouvrage disposent d’un terrain à l’écart du petit village de Bonnieux en Provence.

Comme pour la maison Repriels qu’il conçoit en même temps, la maison Merveille s’inscrit dans un milieu naturel libre et sur un terrain en faible pente. Compacts, les locaux s’organisent selon la traditionnelle séparation des espaces de jour et de nuit. Le salon et la cuisine s’articulent autour du feu ouvert, dans un plan en L. Orientés sud-est, ils sont largement ouvert sur le jardin grâce à des baies coulissantes. Vers le nord-est, les quatre chambres se succèdent de part et d’autre de la salle de bain.

D’un point de vue constructif et esthétique, cette habitation rappelle incontestablement la maison Repriels. Comme à Plainevaux, l’architecte inscrit discrètement l’habitation dans le paysage usant de la toiture plate et associe le béton aux matériaux locaux – en l’occurrence ici la pierre du pays. De même à l’intérieur, le plafond voûté en terre cuite est caractéristique de la région. La valeur plastique de cette petite maison est en outre renforcée par le traitement de la cheminée dont la forme n’est pas sans évoquer l’influence de Le Corbusier sur l’architecte liégeois.

 

 

Maison et atelier Charles Vandenhove

L’essor des activités de Charles Vandenhove amène l’architecte à quitter ses bureaux et son habitation installés dans la rue Bois l’Évêque. Depuis plusieurs années déjà, l’architecte avait les yeux rivés vers les terrains laissés à l’abandon suite à la disparition du charbonnage de la Haye dans les années 1930. Acheté en 1961, la parcelle d’environ 1ha peut sembler ingrate. À forte déclivité, l’essentiel est en zone non aedificandi. Pourtant, elle offre également de nombreux avantages. Sur les hauteurs de Liège, en bordure du plateau de Saint-Gilles, elle est idéalement tournée vers le sud et offre une vue exceptionnelle sur la ville tandis qu’une étroite bande de terre peut-être bâtie.

Charles Vandenhove tire profit d’une déclivité a priori très contraignante pour s’allonger discrètement dans le paysage. « Creusée » entre les arbres, la maison ne laisse apparaitre que le garage au sommet. La vie et le travail se feront ailleurs, tournés vers la nature à l’abri du nord. Le long du garage, un escalier réservé aux collaborateurs et aux clients accède au premier niveau et à l’atelier flanqué du bureau de Charles Vandenhove où s’intègre une œuvre de Luis Feito peinte in situ. La salle de dessin se prolonge vers l’extérieur avec un grand patio tourné vers le nord. Quelques murs en briques et un escalier en béton créent un autre cheminement vers la maison et conduit à un hall et un escalier qui descend vers l’étage inférieur réservé au couple. En complicité avec le jardin, il rassemble, outre les pièces d’usage habituel, une belle bibliothèque à proximité immédiate de la chambre conjugale. L’écriture portée par l’architecte privilégie la brique et le béton dans des volumes simples à toiture plate. Une esthétique du matériau que l’on retrouve tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Le dessin des châssis en afzelia rappelle quant à lui le travail qu’avait mené l’architecte quelques années plus tôt dans la halle d’Inichar.

L’essor que connaît le bureau dans les années 1970 conduit l’architecte à agrandir l’atelier. Un grande verrière dont le principe constructif constitue le prototype de la verrière du CHU est posée au-dessus des espaces privés en 1972. Le départ de l’agence d’architecture dans les locaux de Torrentius conduit l’architecte à revoir l’affectation des espaces professionnels qui sont désormais réservés à l’habitation de la famille de Prudent de Wispelaere, collaborateur historique de Vandenhove. Un dernier agrandissement réalisé par ce dernier voit le jour en 1990 avec la construction d’un étage au-dessus du garage.

Centre de transfusion sanguine

À peine les autorités ont-elles signé la réception définitive de la clinique mortuaire le 19 décembre 1963 qu’elles se lancent dans un nouveau projet à proximité immédiate de la morgue. Depuis plusieurs années, le personnel du complexe hospitalier de Bavière se plaint de ne pas disposer de locaux adéquats pour recevoir les dons de sang, un service essentiel au bon fonctionnement d’un hôpital. Situé juste à côté de la clinique mortuaire, le complexe communique davantage avec la vie urbaine que son voisin. Plusieurs baies et deux portes ouvrent le bâtiment sur la rue. Située à côté du volume circulaire abritant l’escalier, l’entrée du personnel conduit aux locaux de la Croix-Rouge et aux laboratoires. Au premier étage, plusieurs bureaux  et laboratoires complètent les services réservés au personnel tandis que le second étage était réservé à une animalerie. Afin de séparer les locaux du personnel de ceux réservés aux donneurs, l’architecte dispose un patio qui apporte un bel éclairage naturel à l’intérieur. Les locaux dédiés aux donneurs rassemblent des salles d’attente et de repos, des salles de prélèvement et plusieurs bureaux à destination des médecins. Privilégiant le dialogue entre bois et brique de teinte grise, le projet entre parfaitement en harmonie avec la clinique mortuaire dont il reprend non seulement la matérialité mais également l’articulation de volumes simples.

Résidence pour étudiants Lucien Brull

Durant les Trente glorieuses, la multiplication des immeubles en hauteur lesquels s’ils recèlent leur propre qualité sont le plus souvent issus de la promotion immobilière induit un profond bouleversement du sky-line de Liège.

À sa manière, Vandenhove participe également au mouvement. En 1961, l’architecte est à nouveau sollicité par l’Université de Liège pour concevoir un immeuble destiné à loger les étudiants en médecine. En bordure de Meuse, le site n’est pas choisi au hasard. Alors que le projet du CHU n’en est encore qu’à ses balbutiements, le complexe de Bavière dans le quartier d’Outremeuse est encore le cœur du monde médical liégeois. Le programme confié à l’architecte est assez simple et rassemble cent chambres pour étudiants, 28 appartements pour couples mariés, un appartement pour le directeur et un autre pour le concierge. Des espaces communs (bibliothèque, restaurant, cafétéria, salles de réunion) complètent l’infrastructure. Après avoir participé à plusieurs voyages d’études – notamment à l’Université de Genève en compagnie d’André Jacqmain chargé de la construction des homes du Sart Tilman – Vandenhove présente son projet en 1963. S’inscrivant dans un dense tissu urbain, l’architecte élève une tour de quatorze étages sur un socle qui rassemble les espaces communs tandis que les logements se développent à chaque étage. Le rez-de-chaussée se développe à l’horizontale. Un volume bas de deux niveaux et à l’écart de la tour abrite le restaurant universitaire qui est relié au rez-de-chaussée de la tour par un bâtiment de liaison. Le rez-de-chaussée de la tour est occupé par le bureau du directeur, le secrétariat, une salle de réunion et la bibliothèque. Comme dans le projet Inichar, un escalier hélicoïdal conduit au premier étage qui accueille l’appartement du concierge ainsi que quelques logements destinés aux étudiantes et une salle d’étude. A chaque étage, les chambres – qui bénéficient chacune d’un balcon – s’articulent autour d’un noyau central destiné à accueillir les sanitaires. L’avant-dernier niveau est quant à lui destiné à l’appartement du directeur.

L’écriture adoptée par l’architecte est simple et s’inscrit dans la poursuite des projets précédents. Très loin de l’image des autres tours construites à Liège à la même époque Les façades sont dominées par la brique et le béton tandis que les châssis sont en bois.

Le mobilier destiné aux bureaux et logements témoigne également d’une attention particulière. Les bureaux seront équipés de mobiliers signés Knoll, Wabbes et Jacobsen tandis que Vandenhove conçoit les chaises, tabourets, et bureaux destinés aux appartements des étudiants.

Artiste invité : Luis Feito.

Maison Repriels

Construite dans la banlieue de Liège, la maison Repriels est posée dans un écrin naturel, une prairie à côté d’un petit bois, en retrait de voirie. Largement dégagé, particulièrement bien exposé et décrivant une légère pente, le terrain impose peu de contraintes à l’architecte.

Pour cette habitation, Vandenhove reprend toute une série d’éléments qu’il avait mis en œuvre quelques années auparavant dans son habitation personnelle. Il s’attache tout d’abord à s’inscrire discrètement dans le site en privilégiant des volumes bas qui s’articulent en trois niveaux. Semi-enterré, le niveau du sous-sol est pensé comme une cellule d’habitation indépendante et rassemble un séjour, une cuisine, une salle de bain et une chambre noire. Réservé au domestique, cet appartement est séparé des locaux techniques par un couloir. Le rez-de-chaussée offre quant à lui des espaces de vie très généreux répartis selon trois fonctions. Orientés au nord, les accès (hall et garages) conduisent aux espaces de vie composés d’un grand séjour, d’une salle à manger et d’une petite bibliothèque. Mitoyenne au garage, la cuisine est située à l’écart. Deux zones de nuit respectivement réservées aux parents et aux enfants prennent place aux extrémités ouest et est. Plus modeste, le dernier niveau est à nouveau réservé à un appartement probablement réservé aux invités de la famille. À l’instar de certains projets précédents comme son habitation personnelle ou la résidence pour étudiants Lucien Brull, Charles Vandenhove privilégie une écriture sobre et rationnelle fondée sur le jeu de volumes combinant brique et béton. Les toitures plates permettent en outre d’offrir de généreuses terrasses au rez-de-chaussée et à l’appartement de l’étage. L’ensemble des châssis en bois est dessiné par l’architecte. Participer au site, s’y inscrire dans la continuité de l’architecture, Vandenhove apporte le soin qu’on lui connaît dans l’aménagement du jardin. Les murs de briques et de béton assurent le prolongement de la maison autour d’une piscine et de parcelles de gazon.

Les contacts entre Charles Vandenhove et la famille Repriels se maintiendront encore de longues années. Pour Marie-Antoinette André, l’architecte dessine en 1972 l’enseigne de la Galerie Vega – un carré sur angle souligné par un « V » en néon réalisé par Jean Rets – installée au-dessus de la vitrine de la galerie autrefois installée dans le complexe Chiroux-Croisiers.

Centre hospitalier universitaire

La construction d’un nouveau complexe hospitalier sur le site du Sart-Tilman occupe une place fondamentale tant dans l’histoire de la cité que dans celle de l’architecte. Le projet du CHU a d’abord pour vocation d’offrir à la population des infrastructures de soins modernes et accessibles. Depuis la fin du XIXe siècle, la Ville de Liège et l’Université se partagent des équipements vétustes répartis dans de nombreux bâtiments et pavillons disséminés dans le quartier de Bavière en Outremeuse. Dans les années 1960, la Ville et l’Université choisissent de construire chacune leur propre hôpital. La Ville choisira le site de la Citadelle (arch. Jean Poskin, Henri Bonhomme et Henri Montois, 1978) tandis que l’Université verra dans le projet une nouvelle opportunité d’asseoir le site du Sart-Tilman comme nouveau pôle régional.

Après avoir approuvé le programme en 1965, le Conseil d’administration de l’Université confie à Charles Vandenhove l’étude d’un premier avant-projet. Le programme associe outre les services de soins aux malades, ceux de l’enseignement et de la recherche universitaire.

Le projet s’annonce titanesque et sans commune mesure avec les hôpitaux jusque-là construits à Liège, voire en Belgique et prévoit au départ 1100 lits répondant aux différentes pathologies ainsi que des installations pouvant accueillir 425 chercheurs. Vandenhove va commencer par amasser une très importante documentation et explorer de nombreuses réalisations récentes partout en Europe mais ce sont les exemples récents construits aux USA qui suscitent l’intérêt de l’architecte et de la commission mise en place par l’université pour l’élaboration du projet. Les archives conservent notamment les plans de l’hôpital universitaire du Kentucky (Lexington, 1963) ou le Health Sciences Centre de la University of British Columbia (arch. ing. Thompson, Berwick, Pratt & Partners, 1967). En 1967, Charles Vandenhove accompagné du docteur Gomez, médecin chef chargé d’accompagner l’architecte dans la conception du projet, se rend en Californie pour étudier des exemples récents. Les avantages du plan libre, de tours sur plan carré ou encore de l’étage technique sont repris par l’équipe qui en octobre 1973, franchit à nouveau l’atlantique pour un voyage d’études de 8 jours à Hamilton (Canada) et Boston (USA). Vandenhove y visite l’hôpital de l’Université de Mac Master (arch. Eberhard Zeidler, 1969) à Hamilton (Canada) qui l’intéresse  notamment en ce qui concerne les finitions : « Les parachèvements intérieurs ont fait l’objet de soins attentifs de l’architecte qui a pris une option résolument moderne où les contrastes des couleurs vives des murs, des revêtements de sol et du mobilier créent une atmosphère gaie, jeune, tout à l’opposé des tonalités ternes habituellement rencontrées dans les hôpitaux. »

Le projet proposé par Charles Vandenhove s’organise comme suit : cinq tours rayonnent autour d’une pyramide à degrés tronquée entièrement vitrée et qui rassemble notamment l’accueil, les services administratifs, les policliniques et les blocs opératoires. La verrière d’entrée constitue une œuvre en soi et reprend notamment le procédé constructif des portiques métalliques mis en œuvre par l’architecte en 1974 lors de l’agrandissement de sa maison. Les tours conçues sur un plan carré regroupent divers services hospitaliers et les locaux dédiés à la recherche universitaire. Reprenant les principes du plan libre, Vandenhove se repose sur une trame modulaire de 7,20 x 7,20 m. Séparés par des cloisons légères, les espaces peuvent être aisément reconfigurés au grès de l’évolution des besoins tandis que des niveaux techniques permettent des interventions techniques sans interrompre le fonctionnement des différents services. Remarquable de cohérence, le projet témoigne d’un souci du détail exceptionnel. Des menuiseries aux poignées en passant par les moquettes, tout est dessiné par l’architecte. L’intervention de plasticiens témoigne également, sans être ostentatoire et gratuite, du dialogue entre art et architecture. Les lambris en tôle émaillée sont notamment réalisés sur base de sérigraphies d’une dizaine d’artistes parmi lesquels Daniel Buren ou Sol LeWitt. La rationalisation de la politique hospitalière à la fin des années 1970 conduira à la remise en question du projet puis à l’évincement de l’architecte en 1986, quelques mois à peine avant l’inauguration de l’hôpital.

Artistes invités : Jean-Charles Blais, Daniel Buren, Jacques Charlier, Olivier Debré, Jo Delahaut, Sol LeWitt, André Romus, Niele Toroni, Claude Viallat, Marthe Wéry, Léon Wuidar.

Magasin à livres

Historiquement installée dans une aile de l’ancien couvent des Jésuites dans le centre-ville, la nouvelle bibliothèque de l’université constitue le premier moment de la grande aventure du campus du Sart Tilman. Lorsque le recteur Marcel Dubuisson fait appel à Charles Vandenhove, il porte un geste fort à l’égard de la jeune architecture belge de l’époque. Ainsi de 1960 à 1985, autour de Claude Strebelle, architecte coordonnateur, plusieurs figures emblématiques comme Roger Bastin, André Jacqmain participent à l’un des projets les plus emblématiques de l’histoire de l’architecture belge du XXe siècle. Et Charles Vandenhove sera l’architecte de la première pierre.

Construit à l’écart du site du campus dont le plan d’urbanisation n’est pas encore complètement arrêté, la bibliothèque prend place à proximité des terrains réservés au CHU. Avec ses toitures terrasses recouvertes de gazon, le bâtiment de 3200 m2 s’inscrit discrètement dans la colline boisée en respectant les courbes de niveau du terrain. Le niveau inférieur conjugue le magasin à livres et divers locaux de service. Au-dessus, en retrait, les étages intermédiaire et supérieur se succèdent et sont dédiés à l’entreposage des livres. Le dernier niveau est pensé à l’origine comme un espace multifonctionnel. Entièrement vitré, il est conçu comme un espace de consultation permettant également l’organisation d’expositions ou de conférences. L’espace est couvert d’un voile mince en béton composée de coques en forme de paraboloïdes hyperboliques qui s’appuient sur des fines colonnes en béton. Comme dans les projets précédents, en particulier Inichar et la maison rue Chauve-Souris, le cheminement assurant la transition entre les bâtiments et l’environnement naturel constitue un point de réflexion important pour l’architecte. Deux escaliers dominés par la brique assurent les liaisons vers le chemin menant à la route de Tilff d’une part et menant vers l’esplanade d’entrée d’autre part. La combinaison briques-béton joue sur les matières et les textures – célébrées dans des volumes simples. L’éclairage naturel du volume supérieur est apporté par une longue baie horizontale dont le séquençage des châssis en bois n’est pas sans rappeler celui de la halle d’essais d’Inichar, les deux réalisations font implicitement référence à Alvar Aalto dans la Säynätsalo Town Hall datant de 1951.

Inichar

La conception des bâtiments de l’Institut national de l’Industrie charbonnière (INICHAR) intervient quelques années après la séparation de Charles Vandenhove et Lucien Kroll, en 1957. Désormais seul aux commandes, l’architecte multiplie les projets dans le secteur public, en particulier auprès de l’Université de Liège avec la conception du laboratoire Bétatron et Gammatron (1958) et la clinique mortuaire (1958).

Créé en 1947 afin de soutenir l’industrie charbonnière belge, l’INICHAR confie à Vandenhove la conception de son nouveau siège en 1960 sur des terrains situés à proximité du Val Benoît entre la colline de Cointe et une ligne de chemin de fer vers Namur. Au cœur d’aménagements extérieurs particulièrement soignés, le complexe rassemble trois bâtiments respectivement dédiés à des locaux administratifs, des laboratoires et une halle d’essais. Le bâtiment administratif repose sur une ossature en béton dont les piliers sont disposés en façades. Sans éléments porteurs intermédiaires, il bénéficie d’une grande liberté dans les aménagements intérieurs. Vandenhove apporte un soin particulier aux espaces intérieurs. En particulier, l’escalier hélicoïdal, que l’on retrouve notamment dans la résidence pour étudiants Lucien Brull construite au même moment, et qui apparaît déjà comme un élément archétypal dans l’œuvre de l’architecte.

Destiné à accueillir des charges plus conséquentes, l’ossature du volume abritant les laboratoires de recherche se veut plus robuste. Posé en face du bâtiment administratif, il adopte une écriture similaire avec une combinaison brique-béton et une toiture plate. La séquence d’entrée  et le volume destiné aux cages d’ascenseur apportent toutefois une dimension plus sculpturale. Destiné aux essais « industriels » la halle est un haut volume dominé par la brique. Des baies en bandeau et des lanterneaux apportent un éclairage naturel à l’intérieur. La halle est en outre flanquée de deux volumes plus bas destinés à des laboratoires et des ateliers. Réceptionné en 1965, le bâtiment connaitra diverses interventions,  certaines confiées à Vandenhove comme l’atelier-pilote de mise en forme des polymères (1974) dont la conception est partagée avec l’ingénieur René Greisch.

« Par son ampleur, mais surtout par sa qualité, le complexe d’INICHAR peut être considéré à juste titre comme le point de départ définitif de l’œuvre de Vandenhove et comme sa localisation dans le panorama architectural de cette époque. » Geert Bekaert

 

Clinique mortuaire

La construction d’une clinique mortuaire fait suite à la destruction des anciens bâtiments lors de la Seconde Guerre mondiale. Le choix du site ne doit rien au hasard et répond à la volonté des pouvoirs publics de renforcer l’ancrage médical dans le quartier de Bavière en Outremeuse. Comme pour d’autres projets réalisés plus tard pour l’université, la conception du nouveau bâtiment est assumée par l’architecte et assisté par le Service technique de l’Université de Liège (SETU) représenté par le professeur H. Louis.

Tout en pudeur, la morgue prend place en retrait de voirie derrière un haut mur de briques percé d’une entrée pour véhicules et d’une autre pour le personnel. L’ensemble des locaux rayonne autour d’un patio qui distribue la lumière dans les espaces intérieurs. À l’arrière du bâtiment et à l’abri des regards, « l’entrée des morts » est prolongée en enfilade par la salle de déshabillage, le local des frigos, le local de mise en bière puis par la chambre funéraire accessible au public par une porte indépendante. Une grande salle d’autopsie joue le rôle de tampon avec les locaux réservés aux bureaux des médecins et des magistrats. À proximité des locaux administratifs, un logement est prévu pour abriter le concierge.

L’écriture adoptée par l’architecte est d’une grande simplicité et peut faire penser à une architecture industrielle. Un long volume simple – surmonté de lanterneaux pyramidaux qui ne sont pas sans annoncer ceux dessinés pour Inichar – est surmonté par un massif de maçonnerie qui signale la chambre mortuaire. La grande uniformité des façades composée de briques de teinte grise et de châssis en teck de Moulmein contribue à renforcer la force plastique du bâtiment en s’appuyant sur la force des volumes.

Triennale de Milan

La participation de Charles Vandenhove et Lucien Kroll à la XIe triennale de Milan constitue la dernière collaboration entre les deux architectes. Depuis leur formation, les deux hommes avaient développé un intérêt marqué pour l’esthétique industrielle, ce qui leur avait valu d’assumer la direction de l’exposition d’Esthétique industrielle à la Foire de Liège en 1956. Une exposition qui avait bouleversé la vie de Charles Vandenhove lorsqu’il avait rencontré Jeanne, sa future femme, qui assurait alors le secrétariat de la Foire. C’est sur base de cette participation remarquée que les deux architectes sont chaudement recommandés pour être les architectes de la XIe triennale de Milan. L’espace d’exposition, un quart de cercle, est organisé en différentes sections. Les architectes établissent des liens entre architecture et formes naturelles. Comme le souligne Lucien Kroll : « Pour analyser les bases profondes de l’architecture ou de l’industrial design, il faut montrer que la forme est uniquement l’apparence d’une organisation interne et externe, et exposer tout d’abord les formes de la nature. » Des radiographies d’une fleur et de ses tiges de Kessel accompagnent ainsi une sélection d’objets comme du mobilier de Jules Wabbes, des créations de Pierre Caille, du Val Saint-Lambert ou encore la sculpture du Cheval Bayard d’Olivier Strebelle. Autre élément fort de l’exposition, la colonne que l’architecte avait mise en œuvre pour la première fois à Eupen puis reprise lors de l’exposition de Liège se retrouve à nouveau à Milan.