Châteaux Bordeaux

En 1988, le Centre de Création Industrielle (Centre Georges Pompidou) lance une grande consultation européenne d’architectes afin de proposer une réflexion sur l’avenir architectural des installations viticoles installées dans la région de Bordeaux. L’enjeu est de rétablir une vision architecturale globale afin de palier au développement des initiatives spontanées où la qualité architecturale est parfois mise de côté. Organisée en trois sections, l’exposition propose une section « historique », un inventaire, puis une partie sur l’actualité architecturale des installations viticoles bordelaises et, pour terminer, une approche prospective pour laquelle une douzaine d’architectes sont invités à proposer des interventions en milieux urbain et rural. En milieu rural, deux propriétés sont choisies à proximité de Pauillac : le Château Pichon-Longueville et le vignoble Duhart-Milon, ce dernier présentant la singularité de ne pas avoir de château…

Ainsi, aux côtés de six autres architectes, Charles Vandenhove participe à la réflexion de « châteaux imaginaires en Médoc » soit la conception intellectuelle d’un château pour Duhart-Milon, un projet qui s’accompagne d’une réflexion sur le développement de pôles d’activités complémentaires. Après un séjour de cinq jours dans la région (janvier 1988) avec Jean Dethier, directeur de l’exposition, Vandenhove conçoit sa proposition.

Comme à Hellevoetsluis, le Liégeois tire profit du site et en particulier du réseau hydrographique qui voit le creux de vallée inondé chaque année. L’architecte imagine une séquence de bâtiments qui s’articulent autour d’un axe central cerné par un plan d’eau. Au nord, une gare accueille les voyageurs qui descendent du train viticole. De l’autre côté, orienté vers la route, quatre bâtiments disposés en L de manière symétrique accueillent les résidents. Plus loin, après avoir franchi un portique, le long d’un axe central, le visiteur découvre le château appelé aussi « temple de la dégustation ». Surmonté d’une toiture terrasse panoramique, le bâtiment est coiffé d’une verrière conique au-dessus de laquelle est posée une sphère creuse « symbole de la communion de la Raison et de la Passion ». Entre la gare et le château, un « musée de l’architecture viticole du Bordelais », un théâtre de plein air, quatre pavillons des « Ambassades du vin » et des ateliers viticoles complètent le projet. Ces derniers prenant place dans un long bâtiment horizontal qui clôture la perspective.

Arbre des Tropiques

En 1986, Charles Vandenhove est contacté par le metteur en scène et acteur Jan Ritsema en vue de réaliser le décor d’une pièce de théâtre pour le Théâtre Bellevue à Amsterdam. L’œuvre de Yukio Mishima, « L’Arbre des Tropiques », un drame qui se déroule dans la Grèce antique, s’accorderait bien avec le travail de Vandenhove.

Pour cette commande particulière, l’architecte liégeois propose un espace clos par des parois entièrement quadrillées et percées de quatre portes dont le dessin s’inscrit parfaitement dans son écriture. Au sol, des bandes noires et blanches se succèdent avec régularité. Au centre de l’espace parfaitement symétrique, un escalier hélicoïdal se heurte au plafond. À l’avant-plan, un autel et une colonne précèdent quatre obélisques dans un ensemble qui accompagne le jeu des acteurs. Outre la commande scénographique, l’architecte se voit également confier le dessin des différents costumes portés par les acteurs.

Droogdok Jan Blanken

La participation de l’agence Vandenhove au concours du musée de Hellevoetsluis confirme non seulement les ambitions internationales de Vandenhove mais surtout, après la grande exposition à la bourse d’Amsterdam, ses premiers pas aux Pays-Bas, un pays avec lequel il entretiendra un lien privilégié pendant de longues années.

En 1987, la Ville de Hellevoetsluis lance un appel à projet pour la réhabilitation de l’ancien chantier naval en pôle touristique. La petite ville, ancien port stratégique de la marine hollandaise, abrite encore une grande partie de ses fortifications mais surtout la première cale sèche construite au Pays-Bas en 1806 par Jan Blanken.

Charles Vandenhove va tout d’abord s’imprégner de l’histoire du site et fonder son projet sur le bâtiment qui abritait la pompe de la cale sèche. Détruit dans les années 1960, cette construction industrielle au registre néoclassique va profondément inspirer l’architecte liégeois qui puisera dans un vocabulaire qu’il a appris à maitriser. Vers le quai et autour du « Timmerdok », Vandenhove prévoit six bâtiments conçus en symétrie destinés à abriter les fonctions muséales mais également divers services comme le restaurant. Au centre, de part et d’autre de la cale sèche, deux petits pavillons servent respectivement d’abri et de café.

Vandenhove entend toutefois dépasser le cadre restreint du projet muséal et propose d’habiter le lieu. Pour fermer le site historique, il propose de réaliser un immeuble à appartements sur plan semi-circulaire prolongé de deux petits immeubles également à vocation d’habitat. L’architecte propose plus encore en construisant tout autour du plan d’eau des immeubles de logements aux gabarits variés. Le projet de Vandenhove ne sera finalement pas retenu et il faudra attendre (un peu) pour que l’agence se lance avec succès dans l’  « aventure hollandaise ».

Expo Berlage

Organisée à l’initiative de Stichting Wonen et sous les auspices de Gérard Mortier, directeur du Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles, l’exposition prend place dans le cadre éminemment symbolique de la Bourse d’Amsterdam, œuvre conçue par Berlage et témoin majeur de l’histoire de l’architecture moderne. La scénographie conçue dès 1985 par Vandenhove et son équipe tire parti du volume de la grande halle en occupant d’abord les espaces latéraux avec des cloisons « portiques » d’environ 3 mètres de hauteur et peintes successivement en noir et en blanc. Cette attitude de modestie et de discrétion soutient une volonté de théâtraliser l’œuvre majeure de l’exposition : le pavillon du Salon royal. Repoussé au fond de la nef afin de dégager des perspectives, le pavillon peint en rouge prend de la hauteur et fait office de repère scénographique au centre de l’espace. Il abrite une reconstitution à l’échelle 1 :1 du Salon Royal du Théâtre de la Monnaie ainsi que des reproductions des œuvres de Daniel Buren et Giulio Paolini. Outre le salon royal, l’exposition présente 25 réalisations parmi lesquelles de nombreuses habitations (Schoffeniels, Dufays, Schoonbroodt…), le CHU ou encore le projet de Hors Château dont on connaît l’impact médiatique. Un catalogue d’exposition rassemble les textes de plusieurs critiques reconnus comme Geert Bekaert ou François Chaslin. L’exposition dédiée au travail de Charles Vandenhove dans les murs de la Bourse d’Amsterdam constitue un moment charnière dans la production de l’architecte liégeois. S’il ne s’agit pas de la première exposition rétrospective (rappelons celle tenue en premier lieu à Paris à l’Institut Français d’architecture en 1985, cet événement va offrir un coup de projecteur au travail de l’architecte et explique, certes partiellement, le succès que connaitra très vite le Liégeois aux Pays-Bas.

Crèche des Abbesses

La construction de la crèche des Abbesses témoigne de la réputation internationale acquise suite à l’opération de rénovation urbaine de Hors-Château. En 1986, la Régie immobilière de la Ville de Paris souhaite « assainir » deux ilots situés près de la place des Abbesses. Envisagée conjointement, l’opération concernera d’abord l’intervention sur l’ilot composé par les rues des Trois Frères, la Vieuville et le passage des Abbesses. Le programme rassemble, outre la crèche, des logements locatifs. Conçu autour d’un patio intérieur, le projet repose d’abord sur une longue recherche préalable qui permet à Vandenhove et à son équipe de se familiariser avec les spécificités architecturales de ce quartier de Paris tout en prenant conscience du contexte notamment marqué par la proximité du square Jehan Rictus et le dénivelé de la butte Montmartre.

Logiquement, Vandenhove situe la crèche le long du square, à l’écart du tumulte de la rue. Le rez-de-chaussée s’organise de part et d’autre d’un atrium séparant les locaux administratifs et de service (lingerie, buanderie, cuisine…) de ceux destinés aux enfants. Le premier étage est quant à lui réservé aux espaces de sommeil qui peuvent accueillir 60 lits. Sur un plan en L, il se poursuit dans un autre bâtiment réservé aux logements locatifs. Au dernier niveau, un petit volume accueille deux appartements.

L’ensemble réservé aux logements se développe vers la rue des Trois Frères autour d’une cour intérieure accessible par la grande terrasse tournée vers le square.

Dans un maillage urbain particulièrement dense, Vandenhove privilégie une écriture qui s’inscrit dans les spécificités de l’architecture parisienne en particularité dans le choix des matériaux et des couleurs. Les façades sont entièrement recouvertes d’un enduit blanc et se terminent par une toiture en zinc. Par contre, d’autres éléments inscrivent le projet dans un langage historicisant avec notamment des colonnes d’inspiration ionique ou des pilastres à bossages qui marquent les travées.

Artistes invités : Robert Combas, Aki Kuroda, Léon Wuidar.

Théâtre des Abbesses

Depuis le début de sa carrière, Vandenhove a compris l’intérêt de s’entourer d’artistes et d’intellectuels reconnus. Proche des milieux éditoriaux qui, régulièrement, contactent l’agence pour publier les travaux récents, l’architecte entretient des liens privilégiés avec plusieurs critiques de réputation internationale parmi lesquels Geert Bekaert ou François Chaslin.

C’est par l’entremise de ce dernier qu’il va recevoir la commande d’une grande opération de rénovation urbaine de deux ilots situés de part et d’autre de la place des Abbesses et combinant équipements publics (théâtre, maison de la danse et crèche), logements et commerces. Il est en outre probable que la reconnaissance acquise dans le cadre du projet Hors-Château ait conduit la Ville de Paris à confier le projet à l’architecte belge.

Bien que prévue de manière simultanée avec la commande d’une crèche dans le même quartier, le projet du théâtre et de la maison de la danse à construire sur la butte Montmartre prendra quelques années de retard dû à un problème d’expropriation.

Le programme soumis à Vandenhove est particulièrement ambitieux et porte sur l’ilot cerné par les rues des Abbesses, Germain Pilon et Véron. Il concerne la construction d’un théâtre de 400 places, d’une école de danse, de 25 appartements, de commerces au rez-de-chaussée et d’un espace public, le tout au-dessus d’un parking souterrain accessible en contrebas. Le projet proposé par Vandenhove est d’une grande logique. Profitant du dénivelé, la salle se développe le long de la rue Germain Pilon. Sous la salle à l’italienne, plusieurs niveaux accueillent l’école de danse et le parking souterrain ouvert vers la rue Véron.

Autre élément fort du programme, les logements et commerces sont rassemblés dans plusieurs immeubles qui ceinturent une petite cour intérieure. Contrairement aux usages, c’est vers cette cour et non vers la rue que Vandenhove choisit de tourner la façade principale du théâtre qui exprime pleinement son registre classique (fronton, colonnes cannelées, architrave…). L’enduit d’un rouge puissant qui couvre la façade inscrit le théâtre dans son temps grâce aux « mots » de Robert Barry. L’intervention du plasticien se retrouve encore sur les garde-corps en verre sablé dans la salle de théâtre. Barry n’est pas seul artiste qui collabore. Depuis plusieurs années maintenant, Vandenhove a démontré la force de son univers artistique. À l’instar de plusieurs projets antérieurs, il entend collaborer avec plusieurs plasticiens. Daniel Buren propose des motifs géométriques sur les garde-corps en verre sablé en façade mais surtout, à l’extérieur, une peinture murale d’un mur mitoyen qui signale qu’il se passe quelque chose, là, à l’arrière des immeubles. Comme au CHU ou à Torrentius, les lambris en tôle émaillée sont les lieux d’expression de plusieurs artistes (Jean-Charles Blais, Patrick Corillon et Loïc Le Groumellec). Mais l’intervention la plus forte reste celle d’Olivier Debré qui intervient sur l’ensemble des parois de la salle de théâtre et sur le rideau de scène.

Artistes invités : Robert Barry, Jean-Charles Blais, Daniel Buren, Patrick Corillon, Olivier Debré, Loïc Le Groumellec.

Pharmacie Schunck

Installée à deux pas de l’hôpital Sint-Nikolaus à Eupen, la pharmacie Schunk prend place à l’entrée du centre historique d’Eupen. Au sortir des chantiers de Torrentius et de Hors-Château, l’agence dispose d’une expertise dans l’intervention sur du bâti ancien et c’est probablement l’un des éléments qui conduit le pharmacien Manfred Schunk à prendre contact avec Vandenhove. L’expertise de l’agence dans les programmes relevant du monde médical constitue certainement un autre atout important. La rénovation complète de l’officine passe d’abord par une reconsidération en profondeur du fonctionnement de la maison de commerce. Vandenhove abandonne le schéma éprouvé du comptoir séparant le client du pharmacien pour une approche beaucoup plus humaine et sensible. Dans un espace entièrement ouvert, l’architecte dispose quatre pupitres individualisés qui garantissent une proximité et une certaine intimité avec les visiteurs. Vandenhove apporte également un soin aux aménagements et en particulier aux armoires en loupe de noyer destinées à ranger les produits pharmaceutiques.

La transformation de la façade témoigne également d’une intention combinant inscription dans le contexte et ajouts d’éléments contemporains. À l’instar de ses voisines, la façade est recouverte d’un enduit clair mais différents éléments du registre de Vandenhove – colonnes lobées, la corniche proéminente ou encore les garde-corps en bronze – viennent soutenir l’écriture contemporaine de l’architecte.

Vestibule d’entrée et salon royal du Théâtre de la Monnaie

« Bruxelles doit être le lien de rassemblement des grandes forces culturelles nationales et internationales. Avez-vous remarqué que le travail mené par l’Opéra National interroge l’étranger ? Le TRM intrigue, et crée des obligations pour le futur, un devoir pour l’avenir… »

La rénovation du Théâtre royal de la Monnaie constitue l’un des grands chantiers portés par Gérard Mortier. Le projet, ambitieux mais sensible (on touche ici à l’un des grands symboles de l’histoire du pays), est confié à l’association momentanée Urbat (J. Aron, P. Puttemans et F. De Becker) / A2RC (Libois, Verliefden et D’Helft) et associe considérations patrimoniales et interventions contemporaines. Celles-ci s’affirmant dans  la construction d’un deuxième foyer et la transformation du hall et du salon royal.

Au même titre qu’au Middelheim, Vandenhove est invité à intervenir non pas comme architecte mais comme artiste et est nommé « conseiller artistique » de Gérard Mortier. En mars 1986, la proposition de Vandenhove concerne l’aménagement du parvis, du pronaos, du vestibule et du salon royal. Pour raisons budgétaires, seuls le vestibule et le salon royal seront réalisés.

À l’instar de sa brillante intervention dans l’Hôtel Torrentius, le projet proposé par Vandenhove établit le dialogue entre une architecture historique – ici typée XIXe – et un langage contemporain où plusieurs plasticiens occupent une place centrale. Dans le hall, le sol en marbre de Vinalmont et de Carrare intègre un dessin de pyramide réalisé par Sol LeWitt tandis que le plafond voit l’intervention abstraite de Sam Francis. Dessinées par Charles Vandenhove, deux colonnes aux tambours noirs et blancs assurent un lien visuel entre le sol et le plafond.

Dans le salon royal, l’architecte « monumentalise » un espace réduit en jouant sur les perspectives. Le projet de Daniel Buren est affirmé et consiste en une alternance de bandes de marbre de couleurs rouge (marbre de Philippeville) et blanche (marbre de Carrare) qui parcourent le sol pour se prolonger sur les lambris : « le rythme, le phrasé, la syncope, l’accent, la clef étant le sol » pour reprendre les mots de Buren. Rythmant l’espace, deux piliers en marbre de carrare dessinés par Charles Vandenhove sont surmontés d’un chapiteau en bronze poli, l’un en forme de pyramide, l’autre en forme de pyramide tronquée tandis qu’un plâtre de Paolini évoquant la 9ème symphonie de Beethoven est disposé latéralement.

Artistes invités : Daniel Buren, Sam Francis, Sol LeWitt, Giulio Paolini, Charles Vandenhove.

Pavillon du Middelheim

Commencé en 1984, le projet d’un pavillon à réaliser dans le parc du Middelheim témoigne de la renommée que connaît l’architecte dans les années 1980. L’œuvre qu’il dessine doit prendre place dans le Musée en plein air du Middelheim à proximité des sculptures de Rodin, Wouters et Moore. Le montage financier associe la Ville d’Anvers et le Groupement des carrières de petit granit Liège-Namur, cette dernière fournissant l’ensemble des matériaux nécessaires à l’ouvrage. Très vite, des tensions apparaissent entre les carriers et Vandenhove, ce dernier souhaitant construire un pavillon en pierre massive plutôt qu’en placage. Ces divergences conduiront le projet à être mis entre parenthèses de longues années pour n’être effectivement mis en place qu’en 1990. Le monument proposé par Vandenhove est d’une rigueur implacable. Le pavillon repose sur un carré parfait de 8 mètres de côté constitué d’une maille modulaire recouverte d’un dallage en petit granit. Sur cette trame, se succèdent 32 piliers  de 3 mètres de hauteur reliés par des architraves. Signifiant l’entrée de ce qui réfère à la forme d’un temple (Bekaert fait référence à la salle hypostyle du temple d’accueil de la pyramide de Khéphren à Gizeh), mais toutefois largement  distant de celui-ci un portail composé de deux colonnes cylindriques à chapiteaux ioniques stylisés est surmonté d’un fronton. Le projet sera légèrement revu et le portail autonomisé comme un élément sculptural à part entière dialoguant de loin avec le péristyle. Si, au regard des projets antérieurs, le pavillon du Middelheim peut sembler anecdotique, il s’inscrit toutefois dans une posture nouvelle qui fait de Charles Vandenhove non plus seulement un architecte mais également un artiste. Une posture que l’on retrouve à la même époque dans les recherches qu’il mène pour le projet du vestibule et du salon royal de La Monnaie  à Bruxelles, un travail reconstitué lors de la grande exposition qui est consacrée à l’architecte dans la bourse de Berlage à Amsterdam.

Hors-Château

À la fin des années 1970, Liège sort d’une longue période marquée par de profonds bouleversements urbains. Sous la houlette de l’échevin des Travaux publics Jean Lejeune, la destruction d’îlots entiers dans le centre-ville a profondément meurtri le Genius loci de la cité. Et c’est l’idéal moderne « détourné » qui voit la destruction de pans entiers de la place Saint-Lambert laissant un gigantesque no man’s land au cœur de la cité pendant plus de vingt ans.

Non loin du « trou de la place Saint-Lambert », le quartier Hors-Château constitue un nouvel enjeu. Le patrimoine bâti y est riche mais vieillissant et ne correspond plus aux besoins des habitants. Si les autorités publiques auraient pu mener une nouvelle politique de tabula rasa, elles décident toutefois de suivre un tout autre chemin.

Le projet de rénovation urbaine du quartier Hors-Château est porté par la Société de Développement régional pour la Wallonie (SDRW) dont l’une des missions est de « favoriser le renforcement et la restructuration des noyaux urbains » tout en soutenant la construction de logements accessibles dans les centres de villes. Plus globalement, les projets portés par la SDRW s’inscrivent dans un contexte de remise en question du modernisme : « Même si cela dérange, il faut admettre que l’architecture moderniste est, avant tout, dans le vécu de la population, associée à la construction d’ensembles démesurés , aux profits acquis par les promoteurs, à l’insécurité, au mal-être, plutôt qu’aux objectifs sociaux dont elle se voulait originellement porteuse. »

En cette fin des années 1970, le projet de la SDRW va se focaliser à Liège sur deux secteurs : celui d’Hors-Château confié à Charles Vandenhove et celui du Bernalmont dont Pierre Arnould – qui vient de quitter l’agence Vandenhove – sera le maître d’œuvre.

Pour Charles Vandenhove, ce projet amorce un tournant. Pour la première fois, l’architecte est amené à travailler dans un territoire à haute valeur historique. L’approche s’articule autour de trois axes : rénovations des maisons situées en bordure de la rue Hors-Château, construction de nouveaux logements vers la rue des Brasseurs et aménagement d’une place en intérieur d’îlot, à l’abri de la circulation. La rénovation des logements anciens tient compte de l’impératif d’offrir une typologie variée de logements allant de la maison à l’appartement 3 chambres en passant par le studio. L’intervention dans les 13 maisons anciennes se veut minutieuse et interdit toute solution standardisée. Charles Vandenhove parvient toutefois à donner l’image d’une intervention homogène dans une intervention combinant préservation des caractéristiques historiques et écriture contemporaine. Vers la rue des Brasseurs, l’architecte dessine des nouveaux bâtiments de deux étages sous toiture et ponctué d’une tour. Construit au-dessus d’un parking souterrain, l’ensemble compte près d’une trentaine de logements et plusieurs surfaces commerciales ou de bureaux. Avec cette partie du projet, Vandenhove répond à l’enjeu d’industrialisation mis en avant par la SDRW notamment en mettant en œuvre le béton architectonique qu’il maitrise depuis longtemps. Les ensembles contemporains et historiques entrent en dialogue grâce à une écriture homogène : dimensions originelles des portes et fenêtres, remplacement des croisées par des colonnettes et traverses en bronze, portes et fenêtres à croisées serties de carreaux carrés colorés… Entre les bâtiments rénovés et le nouvel immeuble, Vandenhove aménage une petite place fermée à ses extrémités par deux petites maisons. Accessible au public par deux arvôs, la place se veut une espace de repos. Une fontaine alimente par déversement une rigole qui chemine jusqu’à une sculpture d’Anne et Patrick Poirier évoquant le temple maya de Tikal.

Artistes invités : Anne & Patrick Poirier.