Palais de justice de s’Hertogenbosch

C’est en 1992 que Charles Vandenhove est invité par le Bouwmeester des Pays-Bas à concevoir le Palais de justice de Bois-le-Duc (s’Hertogenbosch). L’enjeu est de réunir sur un site unique tous les services répartis dans sept bâtiments différents et de remplacer les anciennes infrastructures du Spijnhuiswal, un bâtiment du début du XXe siècle, certes élégant mais qui n’est plus adapté aux missions de la justice du XXe siècle. Dès le départ, le projet doit composer avec les avis de plusieurs partenaires et notamment le propriétaire du bâtiment, le Ministère de la Justice, les futurs utilisateurs et les autorités de la ville pour un programme qui rassemble une cour d’appel, un tribunal de 1ère instance et des bureaux. Le tout compte 52.000 m2 pour ce qui doit être le plus grand Palais de justice des Pays-Bas.

À l’origine du projet, les autorités proposent à Vandenhove un plan en L dans lequel les bâtiments s’articulent autour d’une vaste esplanade ouverte sur les voies du chemin de fer. Davantage inscrite dans les contraintes du lieu, la contre-proposition de Vandenhove repose sur le modèle du cloître et s’isole intelligemment du trafic ferroviaire. Sur un vaste terrain quadrilatère, le complexe se développe en quatre ailes autour d’une grande cour intérieure sous-laquelle prend place un parking. Dominées par la brique rouge, les façades des quatre ailes tournées vers la ville abritent des bureaux et imposent une monumentalité, presque austère. C’est plutôt dans la cour intérieure que l’essentiel se joue. C’est là que l’architecte installe le bâtiment symbolique, celui qui marque l’exercice de la justice. Vandenhove joue sur une rupture de gabarit et de matérialité en dessinant une longue galerie vitrée qui parcourt toute la largeur de la cour et qui se déploie sur deux étages. Le rez-de-chaussée abrite 10 salles réservées au Tribunal de 1ère instance tandis que le premier étage est dédié aux salles de la Cour d’Appel. Une grande salle des pas-perdus distribue les circulations du public dans les différentes locaux tandis que des chemins séparés sont réservés aux détenus et à la magistrature. Une audacieuse toiture composée d’une verrière en arc de cercle apporte un éclairage zénithal. L’ensemble du complexe présente çà-et-là la signature de l’architecte liégeois comme les colonnes en béton architectonique que l’on retrouve de manière spectaculaire dans la galerie ou encore les deux petits pavillons – l’un de plan circulaire, l’autre octogonal – dans la cour intérieure.

Mais c’est surtout ce nouvel appel aux plasticiens qui contribue à « humaniser » l’ensemble. Ce ne sont pas moins de neuf artistes différents qui sont invités à collaborer. Les interventions sont multiples et prennent comme supports des lambris, des photographies ou des tapisseries réalisés par des artistes comme Marlène Dumas, Luc Tuymans, Henri Jacobs, Giulio Paolini ou Jeff Wall.

Artistes invités : Rob Birza, Jan Dibbets, Marlène Dumas, Ludger Gerdes, Henri Jacobs, Willem Oorebeek, Giulio Paolini, Luc Tuymans, Jeff Wall.

Poort van Breda

Le début des années 1990 est une période faste pour Charles Vandenhove qui multiplie les commandes à l’étranger et, en particulier, aux Pays-Bas. Après Amsterdam, La Haye ou encore Maastricht, c’est à Bréda, non loin de la frontière belge, que l’architecte liégeois pose sa planche à dessins. Lorsqu’il arrive à Bréda, l’architecte est accueilli à bras ouverts. Une proposition antérieure avait suscité une levée des boucliers… Vandenhove est reçu comme le « dépanneur urbaniste » selon les dires de Prudent De Wispelaere. Même si le projet subira quelques difficultés dues à plusieurs changements de maître d’ouvrage, la réflexion progressera rapidement à partir d’un plan masse dessiné par Vandenhove sur… un carton de bière. Le programme, assez simple, combine 58 appartements de luxe et des bureaux autour d’une grande cour au-dessus d’un parking souterrain. À nouveau, Vandenhove dispose d’un terrain de haute valeur, situé en face du beau parc de Valkenberg et à deux pas de la rivière Mark. Sur une parcelle généreuse, il joue sur les volumes et les gabarits. Face au parc sur l’avenue J.F. Kennedy et bénéficiant d’un recul important, il privilégie des bâtiments assez élevés. Véritables repères urbains, les deux tours, l’une de plan quasi circulaire, l’autre de plan rectangulaire encadrent un bâtiment de cinq étages. Avec son parement en briques rouges, sa coupole percée d’oculi, la tour d’angle pourrait rappeler celle du Balloir conçue à la même époque. Mais pour Vandenhove, les références sont ailleurs et beaucoup plus locales. À son arrivée à Bréda, le Liégeois est impressionné par la prison à coupole située non loin. De l’édifice pénitentiaire, l’architecte reprend le principe de la couverture en zinc ainsi que la forme des linteaux cintrés. Sur Sophiastraat, le complexe se poursuit avec un bâtiment de quatre étages qui vient délicatement se raccrocher aux bâtiments historiques. Privilégiant la brique et le zinc dans une écriture d’une grande sobriété, Vandenhove s’autorise toutefois quelques discrètes expressions formelles, notamment dans le traitement du soubassement dont les éléments en béton sont marqués de successions de strigiles, un motif d’origine étrusque et romaine que l’architecte affectionne particulièrement. La vaste cour intérieure fait l’objet d’une attention particulière dont témoigne le pavage avec ses motifs en chevrons ou encore l’imposant cadran solaire avec son style en bronze réalisé par José Bosard, compagnon d’école de Vandenhove et cadranier réputé en Wallonie.

Passerelle Solferino

Le projet de construction d’une nouvelle passerelle reliant les quais des Tuileries et Anatole France a pour objectif d’offrir aux piétons une promenade de qualité entre deux institutions phares de la capitale : les musées du Louvre et d’Orsay. Le nouvel ouvrage doit remplacer celui, « provisoire » qui remplaçait l’ancien pont de Solferino construit sous Napoléon III. Prestigieux, le projet fait l’objet d’un concours auquel participent huit équipes dont plusieurs grandes figures de l’architecture de l’époque comme Calatrava ou Fuksas.

Le projet porté par Vandenhove et son équipe dans laquelle on retrouve les plasticiens Daniel Buren et le couple Anne et Patrick Poirier entend d’abord assurer le lien avec le contexte historique et patrimonial très présent. La proposition de Vandenhove intègre une réflexion sur la qualité des espaces publics qui dépasse la passerelle pour déborder sur les quais en insufflant une dimension de promenade-spectacle. Car, si les deux extrémités du pont s’inscrivent dans la continuité des quais « hauts », l’enjeu est également de garantir l’accès aux quais bas, lieux de promenade pour ce Paris « qui retrouve son fleuve ». Vandenhove maintient les escaliers anciens édifiés rive droite sous Napoléon III mais ajoute, à chaque extrémité, un escalier dans le plan de la passerelle. En rive gauche, l’ancienne culée est reconstruite dans le plan du mur de quai mais est percée pour dégager la vue des promeneurs arrivant du Jardin des Tuileries.

Le choix des matériaux traduit la volonté de Vandenhove de s’inscrire en modestie dans le paysage. Les culées et piles sont en pierre tandis que le tablier de la passerelle de 9 mètres de largeur est en acier. Entre les deux, des rotules dessinées par l’architecte assurent le lien entre les piles et le tablier.

Fidèle à ses convictions, Vandenhove fait appel à plusieurs plasticiens avec qui il a eu l’occasion de travailler. Pour les garde-corps en verre, Daniel Buren propose de graver une alternance de fines bandes reprenant le dessin des poutrelles de la passerelle. Quant à la proposition d’Anne et Patrick Poirier, elle repose sur la construction de trois pointes-obélisques en bronze : deux posées côté Orsay, la dernière côté Tuileries. Le couple prévoit en outre, à chaque extrémité de la passerelle, un alignement de socles en bois portant quelques vestiges de l’ancien pont. Le concours est finalement remporté par l’ingénieur français Marc Mimram et la passerelle est officiellement inaugurée en 1999.

Artistes invités : Daniel Buren, Anne & Patrick Poirier.

 

Koninklijke Schouwburg

Dans les années 1990, Vandenhove dispose d’un réseau important aux Pays-Bas et notamment à La Haye. L’expertise acquise dans le cadre de la conception du Théâtre des Abbesses et de son intervention « artistique » au Théâtre de la Monnaie l’amène à obtenir la commande de la rénovation du Théâtre royal de La Haye, un élégant bâtiment d’inspiration classique dont l’origine remonte au XVIIIe siècle. L’intervention de Vandenhove s’articule en deux phases. La première, en 1991, voit l’ajout d’un petit bâtiment sur l’aile nord-est. Entièrement vitré, il est destiné à accueillir la nouvelle billetterie et une librairie. Mais l’intervention la plus forte se fait à l’arrière avec la rénovation complète du théâtre et la démolition/reconstruction du volume abritant la scène (arch. HH. Van Zeggeren, 1929). Conçu en 1994, l’édifice de 5 étages est destiné à accueillir des bureaux, vestiaires et locaux techniques mais surtout à agrandir la cage de scène rehaussée. L’intervention la plus spectaculaire intervient sur les circulations verticales. De part et d’autre de la salle, des escaliers vitrés composés de marches en verre sablé desservent les différents niveaux. Comme à Bruxelles, Vandenhove fait à nouveau appel à Sol LeWitt pour apporter son regard dans les espaces intérieurs. L’artiste américain intervient sur tous les murs du hall avec de grands pans composés de bandes horizontales ou verticales de plusieurs couleurs. Jean-Pierre Pincemin est également invité à intervenir avec la réalisation des dessins des moquettes dans la grande la salle et des motifs sablés sur les garde-corps en verre des bureaux.

Artistes invités : Sol LeWitt, Jean-Pierre Pincemin.

Sea Trade Center

La construction d’un terminal passagers dans l’avant-port de Zeebrugge est une réponse des autorités portuaires belges et des compagnies de ferries (North Sea Ferries, Townsend Thoresen…) à l’annonce de la construction du tunnel sous la Manche. Puisqu’elles ne pourront pas rivaliser sur le temps de trajet, pour concurrencer le « chunnel », les compagnies de ferries misent sur le renouvellement de leur flotte. Les navires sont plus gros mais surtout ils sont équipés de pôles de divertissements (magasins duty free, cinémas, salles de spectacle, dancing…) afin d’offrir aux passagers l’ambiance d’une croisière. La modernisation des infrastructures se marque également sur terre. À Zeebrugge, les liaisons avec la Grande-Bretagne font partie de l’histoire du port et les autorités locales entendent bien garder la main sur le trafic transmanche en se positionnant face aux ports de Calais, Dunkerque ou Ostende.

En 1988, l’association momentanée Zeebouw Zeezand lance un grand concours international pour la construction d’un édifice « qui correspond au dynamisme de l’activité du port, tout en évoquant l’histoire séculaire de Bruges en tant que centre portuaire, commercial et artistique ». La liste des architectes invités témoigne de l’ambition du maître d’ouvrage. On retrouve ainsi Tadao Ando, Santiago Calatrava, Norman Foster, Rem Koolhaas, Fumihiko Maki, Frank O’Gehry, Aldo Rossi, Bob Van Reeth et…Charles Vandenhove.

Le programme du bâtiment destiné à accueillir 3 millions de passagers par an se divise en six grandes parties : un espace pour les passagers, un espace réservé aux routiers, des locaux d’administration, des locaux pour les services de maintenance, des espaces polyvalents avec notamment des salles de conférence et de cinéma et des installations sanitaires.

Pour répondre au programme, Vandenhove propose d’édifier le bâtiment à proximité immédiate des passerelles de débarquement des ferries. Sur un plan en B, la construction repose sur des pilotis – des colonnes pour reprendre la rhétorique vandenhovienne – qui permettent de réserver les espaces au sol à une circulation automobile rapide et efficace. Au-dessus du soubassement, accessible par des rampes en spirale, un vaste parking couvert accueille les véhicules. Au-dessus, les deuxième et troisième étages sont réservés à l’accueil des passagers ainsi qu’au cinéma et à la salle de conférences. La toiture-terrasse invite à la promenade et est agrémentée de plantations et de bassins.

Les espaces administratifs et de service sont quant à eux disposés en hauteur dans une tour ronde à degrés reposant sur des colonnes. L’esthétique présentée par l’architecte joue sur une combinaison de couleurs, le bleu et le rouge, tout en reprenant certaines propositions développées dans des projets antérieurs comme ces deux pavillons circulaires empruntés à des projets parallèles (De Liefde) et qui dialoguent avec la tour principale.

Bien reçu par la critique, le projet suscite l’éloge de Geert Bekaert : « Par son échelle, le souci extrême du détail, la couleur, la clarté de la composition, la distinction aristocratique de la maîtrise professionnelle, cet édifice se mesure avec la nature environnante ainsi qu’avec le tumulte du port et de la mer. » Mais, ce concours apparaît finalement comme un exercice purement rhétorique. Il n’y aura finalement pas de terminal « à haute valeur architecturale » et le trafic passager à Zeebrugge s’essoufflera progressivement pour disparaître complètement en 2021.

Het Zieken

La réalisation du complexe Het Zieken intervient à un moment où l’agence de Charles Vandenhove est bien implantée et dispose d’une renommée dans le programme du logement public. Le projet se développe en parallèle avec d’autres grandes commandes aux Pays-Bas comme De Liefde à Amsterdam ou Staarlokatie et Hoogfrankrijck à Maastricht. Pour cette commande située au centre de La Haye, l’architecte dispose de vastes terrains situés sur l’ancien site des bâtiments du service des Travaux publics de la ville. Une parcelle de forme pentagonale délimitée par les canaux du Zieken et de la Groenewegje doit accueillir un complexe comptant 222 logements répartis en trois bâtiments principaux. Le plus haut, en forme de croissant, se développe le long des canaux jusqu’à 13 étages apparaissant ainsi comme un repère fort dans le paysage urbain de La Haye. Afin de s’inscrire dans continuum du bâti existant, l’architecte dessine un édifice de 165 appartements dont le gabarit se réduit en gradins. La brique foncée domine l’ensemble même si le béton architectonique avec ses pointes de diamant signale les premiers niveaux tout en inscrivant l’immeuble dans une écriture qui prend progressivement ses distances avec un langage historiciste qui rappelle les bâtiments environnants d’inspiration classique des XVIIIe et XIXe siècles.

Au rez-de chaussée, l’immeuble est percé de deux petits passages qui permettent d’accéder à l’espace intérieur et de continuer vers Huijgenspark. En entrant dans la grande cour intérieure, l’atmosphère change radicalement. Vandenhove propose des gabarits plus modestes et une brique orangée douce. Après avoir passé un pavillon de quatre étages sur plan circulaire réservé à un logement, on accède à un deuxième bâtiment de forme elliptique et dédié à 36 logements mitoyens disposés en deux étages. Ces habitations sont accessibles par des portes individuelles disposées sous une colonnade qui court sur tout le périmètre du bâtiment. Comme dans les autres projets, l’architecte accorde un place fondamentale à la qualité des logements et chaque unité dispose d’une belle terrasse tournée vers la cour intérieure publique ainsi que d’un jardin privé tourné vers l’extérieur de l’ellipse. L’espace public au centre, bien que plus froid que dans les réalisations précédentes est agrémenté de deux fontaines dont le dessin de labyrinthe imaginé par l’architecte rappelle l’intégration de Staarlokatie. Vers Huijgenspark, Vandenhove propose vingt maisons de trois étages qui disposent chacune de leur propre entrée à rue et surtout d’une petite terrasse-jardin orientée vers les jardins privés intérieurs.

Hoogfrankrijk

Conduit en parallèle avec le projet Staarlokatie, le projet Hoogfrankrijk apparaît comme le deuxième projet mené par Vandenhove dans la ville frontalière de Maastricht. À nouveau, c’est la réputation acquise dans le cadre de son intervention en Hors Château inaugurée trois ans plus tôt qui conduit Vandenhove sur les rives de la ville mosane. Le projet s’implante dans l’ancien quartier militaire de Kat Hoog Frankrijk dans le quartier actuel de Staten sur une généreuse parcelle délimitée par les rues Capucijnenstraat, Hoogfrankrijkstraat et Herbenusstraat. Dans un intérieur d’îlot notamment occupé par des box de garage, il s’agit de réaliser 93 logements (publics et privés) dans un secteur densément peuplé et faisant l’objet d’une opération de revitalisation urbaine. Comme en Hors Château, l’architecte joue sur différentes typologies de logement combinant maisons mitoyennes et immeuble à appartements, le tout s’articulant autour d’une généreuse place intérieure couvrant un vaste parking souterrain. Le complexe est accessible par trois passages situés sur Hoogfrankrijk, Herbenusstraat et Capucijnenstraat. Il est à noter que les accès latéraux sont marqués par des colonnes qui ne sont pas sans rappeler les accès de la cour Saint-Antoine dans le projet Hors Château. Disposant chacune d’un petit jardin, les habitations unifamiliales se développent sur 3 étages et sont couvertes par une toiture courbe en zinc. La brique rouge, matériau caractéristique de la région, se combine aux éléments en béton architectonique qui composent les linteaux et corniches. La composition des façades d’une grande symétrie fait écho à l’ordre classique qu’évoque l’immeuble à appartements de sept étages avec sa toiture formant un fronton. Les espaces intérieurs font l’objet d’une attention particulière. L’accès principal débouche sur une placette agrémentée d’une sculpture pyramidale dessinée par Charles Vandenhove tandis qu’au centre de la place principale une fontaine également dessinée par l’architecte ponctue le cheminement. L’accès principal vers Capucijnenstraat fait quant à lui l’objet d’une intervention de Patrick Corillon. Sur chaque côté du couloir, l’artiste dispose une composition de carreaux de céramique, sorte de clin d’œil à l’héritage industriel local, évoquant les records de saut en longueur pour l’une, les records de saut en hauteur pour l’autre.

De Liefde

Dorénavant bien implanté aux Pays-Bas, l’agence d’architecture de Charles Vandenhove multiplie les commandes Outre-Moerdijck. En 1992, le projet d’un ambitieux complexe de logements sociaux s’inscrit dans un vaste programme de revitalisation du quartier Da Costa à Amsterdam mis en place dès 1985. Le projet confié à Vandenhove s’inscrit au cœur d’un îlot densément peuplé, sur une parcelle joignant la Bilderdijkstraat et le quai Da Costa à l’emplacement d’une école et de l’ancienne église « De Liefde » qui donne son nom au projet. La forme trapézoïdale du terrain impose des contraintes que Vandenhove dépasse en proposant, sur une grande dalle sous laquelle prennent place 51 emplacements de parking, deux corps de bâtiments alignés vers la voirie. En intérieur d’îlot, deux ailes font le lien avec les bâtiments principaux et forment un espace public intérieur. Cette cour intérieure au centre de laquelle prend place une fontaine entourée d’un « tholos » dessinée par Vandenhove est accessible par deux porches couverts qui voient l’intervention de Daniel Buren sur les murs des passages.

La logique de construction à grande échelle conduit l’architecte et le maître d’ouvrage à proposer une approche rationnelle du logement. Le plan est quasiment identique pour l’ensemble des 101 appartements où les espaces diurnes et nocturnes sont séparés par les espaces de circulation. La standardisation n’est toutefois pas synonyme d’appauvrissement et Vandenhove parvient à proposer des logements qualitatifs en réservant notamment une terrasse pour chaque logement. L’écriture formelle qu’adopte l’architecte s’inscrit dans un langage qui a fait ses preuves. Le registre historicisant, sans être ostentatoire, se fond dans le contexte. Certes, plusieurs éléments en béton architectonique témoignent de clins d’œil formels caractéristiques du travail du Liégeois comme les colonnes qui cadrent les portails principaux, les linteaux proéminents ou la puissante corniche qui dialogue avec la longue frise composée de motifs carrés. Des éléments qui pourraient sembler hors contexte si l’architecte n’avait pas pris soin de développer un langage général parfaitement inscrit dans son environnement. Tant le gabarit que le matériau dominant, la brique, réfèrent aux usages locaux. Pour s’inscrire dans le genius loci, Vandenhove va même jusqu’à réinterpréter les lucarnes qui rythment les façades du quartier. Quant à l’horloge qui couronne les façades à rue, elle souligne la vocation publique du bâtiment non sans rappeler, avec distance, certaines infrastructures publiques de l’École d’Amsterdam dans l’Entre-deux-guerres.

Si le logement occupe la part essentielle du projet, Vandenhove propose au maître d’ouvrage de réaliser une chapelle tournée vers le quai Da Costa à l’extrémité du complexe et convertie aujourd’hui en logement. Reprenant le dallage de l’ancienne église, elle propose un espace rectangulaire entièrement peint en blanc dans une écriture dont la retenue est imposée naturellement par le programme. La chapelle voit également l’intervention du plasticien américain Robert Barry à travers des mots placés çà et là sur les murs.

Artistes invités : Robert Barry, Daniel Buren, Charles Vandenhove.

Staargebouw

Même si le projet de Hellevoetsluis ne s’est pas concrétisé, il annonce néanmoins le début d’une longue aventure qui associera l’agence Vandenhove avec les Pays-Bas. En 1988, la Ville de Maastricht lance un concours pour une grande opération de rénovation urbaine dans le centre historique près du Vrijthof, sur le site de la Staarzaal. L’expérience et la renommée acquise grâce à l’opération Hors-Château conduit le bureau liégeois à remporter le marché. Ici aussi, le lieu est à haute valeur patrimoniale, situé face à l’église Saint-Jean.

Dans un programme conjuguant logements, bureaux et espace public, l’architecte choisit le retrait et la discrétion et, après plusieurs années de tergiversations, le projet finit par voir le jour en confirmant la finesse d’approche d’un architecte qui se nourrit des jalons de l’architecture locale.

Vers la place Hendrik Van Veldeke, Vandenhove restaure une bâtisse du milieu du XVIIIe siècle de style Louis XV qu’il affecte à plusieurs appartements. En face, l’architecte dessine un bâtiment dont le gabarit se soumet aux immeubles voisins en ne dépassant pas trois étages sous corniche tout en reprenant la brique peinte en blanc sur soubassement en petit granit. Assumant son écriture contemporaine avec ses baies aux encadrements métalliques et aux châssis en afzelia, il marque l’entrée d’une petite rue conduisant à un espace public qui se prolonge vers la Papenstraat. Tout autour de la nouvelle place, dans un cheminement vers l’université (Papenstraat), Vandenhove propose une variété de logements. D’un côté, des habitations unifamiliales de trois niveaux, de l’autre, de petits immeubles à appartements se développent de part et d’autre d’une tour de sept étages. Remarquable de cohérence, la tour propose le même dessin des châssis que les constructions alentours tout en offrant le travail de Léon Wuidar sur les garde-corps en verre sablé. Parée de briques peintes en rouge, elle semble dialoguer avec l’église Saint-Jean. Le jeu de volume qu’affectionnait Vandenhove dans ses premiers projets (Centre de transfusion sanguine) se retrouve ici, en particulier dans le cylindre qui accueille la cage d’escalier et l’ascenseur. Composé de briques noires, il établit la liaison avec l’immeuble à appartements de quatre étages qui ferme la place. Comme dans le projet de Hors-Château, Vandenhove accompagne l’espace public d’interventions plastiques. Jean-Pierre Pincemin joue sur les tonalités des pavés pour inscrire un motif abstrait au sol tandis que Charles Vandenhove complète l’ensemble par une fontaine-table en pierre et un ensemble de quatre stèles en petit granit à chapiteau doré.

Artistes invités : Jean-Pierre Pincemin, Charles Vandenhove, Léon Wuidar.

Le Balloir

Le projet du Balloir témoigne des liens privilégiés entre Charles Vandenhove et La Maison heureuse dont l’architecte a conçu le siège social à Ans quelques années plus tôt. Il témoigne également de l’engagement de l’abbé Gerratz, fondateur de La Maison heureuse, et dont la vie est entièrement tournée vers le secours aux personnes démunies. Comme pour les opérations de Hors-Château et de Torrentius, il s’agit d’intervenir sur un ensemble à haute valeur historique autrefois occupé par l’hospice Sainte-Barbe dont certains bâtiments remontent au XVIIe siècle. Ambitieux, le projet conjugue restauration du bâti ancien et nouvelles constructions en vue d’accueillir une crèche, une maison de repos, une maison d’accueil pour enfants, un atelier de couture, un magasin de vêtements de seconde main ainsi que plusieurs espaces communautaires et locaux administratifs. L’aménagement d’un espace public tourné vers la place Sainte-Barbe fait également partie de la commande.

Accueillant les services administratifs, les chambres et plusieurs espaces communautaires, les bâtiments anciens font l’objet d’une intervention minutieuse dont l’écriture montre une réinterprétation de la tradition locale. Les solutions apportées par Vandenhove à Torrentius ou en Hors-Château se retrouvent ainsi notamment dans le traitement des croisées ou de certains linteaux. On retrouve également certains éléments que l’architecte avait développé dans la pharmacie Schunk comme l’architrave gravé de motifs abstraits ou la colonne lobée. Le bâtiment tourné vers la Meuse est agrandi d’un volume en béton à l’arrière et exhaussé d’un étage qui accueille le réfectoire dont le plafond vouté accueille une intervention de Jean-Pierre Pincemin. À cette architecture enracinée dans l’histoire, Vandenhove ajoute deux bâtiments dont l’écriture est franchement contemporaine. Tournée vers la Meuse et faisant face au temple protestant, une tour de plan octogonal abrite des appartements de la maison de repos et se coiffe d’une coupole tandis qu’à sa base, une crèche en forme de pétales de fleur s’ouvre vers le jardin.

De l’autre côté, vers la rue Gravioule, l’architecte dispose le logement du concierge et le magasin de seconde main dans un petit bâtiment dont la franchise du béton se distingue de l’ensemble. Au centre, des espaces verts partagés invitent les générations à se rencontrer. L’expérience singulière et généreuse du Balloir se poursuit quelques années plus tard avec la construction d’un nouvel immeuble destiné à accueillir des chambres pour la maison de repos. Relié par une passerelle vitrée, le bâtiment adopte une écriture clairement différente avec la mise en œuvre d’un béton rouge teinté dans la masse. Ici encore, art et habitants cohabitent et ce sont notamment les lambris en tôle émaillée qui sont confiés aux dessins de Patrick Corillon, Robert Combas et Loïc Le Groumellec.

Artistes invités : Robert Combas, Patrick Corillon, Loïc Le Groumellec, Jean-Pierre Pincemin, Léon Wuidar.